Le cercle des poètes disparus

Il y a 75 ans, le matin du 13 août 1934, mourrait, d'une gangrène gazeuse et galopante, Ignacio Sanchez Mejias, suite à la cornada gravissime que le toro "Granadino" de Ayala lui avait infligée, deux jours plus tôt, en plaza de Manzanares.

Soixante ans plus tard, un groupe d'artistes aficionados créait la peña taurine dédiée à l'ami de F. Garcia Lorca. Nous en faisions partie; elle est aujourd'hui disparue.

Pourtant, je ne saurais trop nous encourager à honorer la mémoire de cet homme étonnant, esprit curieux et innovant, torero trompe-la-mort, homme de lettres, auteur de plusieurs pièces de théâtre dont une comédie musicale, acteur de cinéma, joueur de polo, coureur automobile, président du Bétis football-club, de la Croix-Rouge, promoteur d'un aéroport à Séville, impulseur de la "Génération de 27", réunissant de jeunes poètes tels qu'Alberti, Guillen ou Garcia Lorca ... Un vrai "inclassable", à l'affût de son temps, comme il n'en existe plus dans nos arènes.

La tauromachie a beaucoup perdu en ne faisant plus de place à ces "illuminés" qui trouvaient dans les toros la dimension lyrique et spirituelle de la vie, qui savaient faire le lien entre la haute exigence de toréer et celle de vivre. Et tout cela avec la légèreté et la fantaisie des joueurs de roulette, des touches-à-tout inspirés et des inventeurs échevelés.

Si Jose Tomas en a la spiritualité, il lui en manque l'excentricité et la capacité, et le goût, de rassembler autour de lui. J.T. est un individu exemplaire isolé. I.S.M. était singulier mais n'était pas solitaire.

Padilla cultive un look décalé mais ne décolle guère et cherche dans son réel courage des adhésions de villages.

Quant à Espla, il en possède le goût des arts et une certaine originalité, mais il se pose davantage comme un gardien du temple et des valeurs passées que comme un innovateur à l'écoute de son temps.

Qui est donc capable aujourd'hui, ou demain, de ranimer

le cercle des poètes disparus?