lundi 17 mai 2010

Relativité

Vendredi 14 Mai 2010, au Village de Lastur, province du Guipuzcoa, "despedida de soltero" de mon ami Thomas. On me réveille un peu tard, après un sieste prolongée, afin que je me ramène avec ma muleta et mon épée. Il est 17h30. J'entends au loin une bande musicale qui ressemble davantage à un générique de baraque de fête foraine plutôt qu'à une invitation au paseo. Je découvre avec étonnement une toute petite place de village clôturée, qui ressemble à une arène improvisée de pueblo mexicain. Et pour couronner le tout, ma modeste muleta, ancienne compagne de jeu du regretté Julio Roblès, sera la seule et unique vedette de l'après midi. Nos hôtes n'ont pas jugé nécessaire d'investir dans des capotes. Ca sent l'embuscade. Autant dire que nous y allons avec la bite et le couteau... Thomas, le futur marié, presque obligé, se lance devant le premier animal entier. Petite vachette mansa, surexcitée, qui cherche à retrouver sa tanière. Thomas a peur de la bête, la bête a peur de la muleta et c'est à se demander si la muleta n'a pas peur de Thomas... Bref, il se lance très courageusement. Il n'a pas de style, la muleta non plus et la vachette encore moins. Attention, ça s'approche, 1 passe, 2 passes, 3 passes !! On peut l'applaudir, il a fait son boulot. Et tout le monde n'en fera pas autant. Les autres écarteront les bestioles en courant plus ou moins bien. Spéciale dédicace à mon ami Benoit qui aurait eu une belle carrière de "recortador". Tout y est, sens de la trajectoire, moyen physique, calme, aguante, maîtrise. Bravo à lui, ce fut un régal de le regarder faire. Je commence à être réveillé et le 3ème animal m'inspire. Je me lance, la main gauche posée sur le burladero. Et oui, je sais qu'il n'y aura pas de "capote"donc pas de "quite". Mais je comprends qu'il faut aller la chercher... Je cherche une "trinchera" par le bas, mais l'animal arrive droit sur moi.. au dernier moment, je le fais passer par derrière. Deuxième passe, poum!! un bouchon. Je reviens calmement vers le burladero et je comprends ce que "faire le vide" signifie. Je m'abandonne un instant, je pense à ne pas bouger, je pense surtout à la synchronisation du toque. Je fais quelques passes dans le vide et surtout, je me détends. Là, je l'ai bien.. A distance et bien parallèle au burladero. Un derechazo à mi hauteur, ça tape mais j'ai pas bougé. Je me surprend à être d'un calme olympien.. les réminiscences de la sieste, sans doute. Un second derechazo un peu plus propre... l'animal se retourne et il réduit la distance. Il fonce sur moi, je donne un toque autoritaire, je baisse la main, mes pieds sont au sol, le pied gauche dans le terrain du taureau, je sens l'animal suivre la cape, rallentir, j'entends son souffle indication concrète de l'effort qu'il fournit à baisser la tête et à suivre mon drap. Mon bras est ferme, mon poignet est souple et mon corps relâché. Je la tiens ma trinchera !!! putain que c'est bon!!! Je me retourne, les 7 ou 8 spectateurs de cette bourgade + les 3 ou 4 randonneurs de passage applaudissent et me lancent des "Olé !!" Je suis le roi du monde, un instant. Je taierai l'épisode de l'animal n°4. Je suis en confiance, je me place le long du burladero, je le site d'un peu loin, l'animal est plus fort que le précédent, il est entier. Je réussis un derechazo sans bouger mais la bête arrivant très vite ne me laisse pas le temps de baisser la main. Il passe avec la muleta à mi hauteur et ça tape très fort dans le tissu. Je comprends que si je veux me mettre autour de la table ce soir avec les autres et manger la paella que nous préparera Xabi, j'ai peut-être intérêt à rester sur une note positive.. Je décide donc de plier les gaules. Tout ça pour vous dire chers aficionados que ce weekend, je n'étais ni à la la San Isidro et ni à la feria nîmoise mais je suis certainement celui qui a le plus vibré. Une fois de plus, cette nouvelle expérience de "capea" mexicaine me permet de mesurer les bêtises que nous pouvons écrire, parfois, les uns et les autres... En tout cas, ça remet les choses à leur place. Vivement la prochaine !!

9 commentaires:

  1. quand tu veux on s'organise ça ..je ne demande qu'à reprendre une voltige comme il y a plus de 10 ans pour ressentir ce que tu viens de décrire (je m'y croyais presque)..on trouvera bien quelques amateurs:avis à tous!!!

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  2. BRAVO DIEGO JE SUIS FIER DE TOI ET CONTENT QUE TU ES PU VIVRE CETTE EXPERIENCE CAR TU AS PU TE RENDRE COMPTE DE LA DIFFICULTE DE CE QUE VEUT DIRE TOREER




    PACO 60

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  3. C'est vrai, toréer est difficile. Évidemment que, depuis les gradins, on ne se rend pas compte de tout ce qui se fait et se vit sur la piste. Faut-il, pour autant, toréer soi-même pour percer le mystère et s'éviter d'écrire des bêtises? Peut-être ben qu'oui, peut-être ben qu'non...
    Cependant, je souhaite à chaque aficionado de se mesurer, à l'occasion, à quelque taurillon ou vachette. La sensation est unique. Surtout si, à l'exemple de D. de la Vega, il réussit une trinchera.
    Mais en sortira-t-il plus savant ou plus humble dans ses jugements?
    A ver...

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  4. Bonsoir Cousin, pour te dire la vérité, depuis cette capea de vendredi après midi, je me sens heureux !!

    Je crois que je fais partie de ceux qui ont besoin de pratiquer pour entretenir la flamme. C'est une véritable drogue et je pourrais devenir complètement addict à ce truc-là. C'est un peu comme la vitesse ou la chute libre.

    Je te propose que nous sillonnons le web à la recherche d'organisation de "tienta" et qu'on s'organise ça lors de weekend, de pont, de vacances, je ne demande que ça !!

    Depuis vendredi dernier, mon intérêt pour les corridas à la télé renait.

    Je ne suis pas prêt à faire des centaines de bornes pour voir Pierre, Paul ou Jacques... mais pour finir le cul par terre devant une bestiole, je ferais Bayonne Toulouse à cloche-pied... ah le con !!

    Et si personne ne nous suit.. un bon mano à mano à l'ancienne. qu'en dis tu?

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  5. Bonsoir Cher Papa Gato,

    Tu sais, je n'ai pas la prétention d'être plus savant qu'un autre dans mes jugements, surtout le cul posé sur les gradins. Non vraiment, je n'ai pas cette prétention-là.

    Je laisse cela à ceux qui "savent".

    Mais la pratique aussi modeste soit-elle ne permet-elle pas de se rendre compte de la difficulté d'une discipline?

    Serais-je à même de juger réellement de la qualité et de la performance d'un trompettiste si je ne jouais moi-même de la trompette?

    Peut-on réellement prendre la mesure de la performance d'un comédien sans n'être monté sur les planche un jour dans sa vie?

    Peut-on mesurer l'exploit d'un cycliste s'il on n'avoir fait de vélo un jour? un marathon s'il on n'a pratiqué la course à pied? etc... etc...

    Quant à l'humilité, je tiens à te rassurer, la pratique, le danger et la peur te l'enseignent dans l'instant.

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  6. Avoir envie de pratiquer lorsque l'on aime une discipline est tout à fait logique.
    Mais l'expérience que j'en ai m'incite plutôt à penser que c'est un plaisir différent que celui de regarder. En ce qui me concerne, pas de hiérarchie entre eux. Il m'est arrivé d'essayer de donner une ou deux passes à un (très) jeune torito. Cela m'a profondément réjoui mais n'a pas vraiment de lien avec l'intense plaisir que j'éprouve à regarder une belle faena. Et la virtuosité du Juli ou l'art de Morante me restent de grands mystères malgré mes tentatives toreras. Et ce sont ces mystères qui m'attirent aux arènes et me feraient faire pas mal de kilomètres si ce n'était pas si cher.
    Quand à toréer moi-même (disons agiter une cape devant un veau), si l'occasion s'en présente, pourquoi pas...
    Mais chacun à sa place et les toros seront bien gardés. La mienne est "le cul sur les gradins" à essayer de mettre des mots sur une passion. Et, cela, non plus, ce n'est pas facile.

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  7. pour ma part j'ai de l'unique expérience face à des veaux dont un m'avait mis une belle rouste un très grand souvenir que j'aimerais ravivé ; il n'empêche que même en mode vibrato moderato j'éprouve un grand plaisir à m'asseoir sur les gradins..il y a me semble t'il de la place pour les deux
    PS pour le duel à venir vous avez choisi vos témoins?

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  8. Sérieusement, El Papa Gato a tout dit.

    Il est certain que pratiquer une discipline est un plaisir différent que celui de regarder. Et je suis également d'accord pour dire qu'il n'y a pas de hiérarchie entre les deux.

    Mais pour moi, et je dis bien pour moi, ce sont deux éléments très complémentaires.

    La pratique ou pseudo pratique me permet d'aiguiser mon intérêt et ma sensibilité à ce spectacle.

    C'est pour cela que j'ai écrit "Je crois que je fais partie de ceux qui ont besoin de pratiquer pour entretenir la flamme" mais ce mode de réaction est tout à fait personnel et n'engage que moi.

    PS : pas de duels mais plutôt des échanges. Parfois doux, parfois fermes, plus ou moins bien réussis.. peu importe..

    Les échanges, c'est la vie !! alors longue vie à nos échanges !!

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