lundi 22 mars 2010

D'ombre et de lumière

Il est 19h57 ce soir... on est précis quand on court. Au bout de la grande ligne droite de pins, je scrute l'ultime côte de sable qu'il me reste à gravir. Cela fait 2 ou 3 km que je repense à ces 32 années belles et bien derrière moi, désormais. Mon esprit traverse le temps passé, revisite ce que j'ai connu et ce que j'aurais aimé connaitre. Que se passait-il en mars 1978 dans le monde des "toros"? Je n'en sais rien. L'année avant ma naissance, en 77, la petite famille avait fait un pèlerinage à Séville et découvert en quelque sorte les citées d'or. Le grand Curro avait triomphé cette année-là. Mes parents m'en parlent encore aujourd'hui. J'ai grandi avec cet héritage. Des affiches des années 70 jaunies sur les murs de la chambre du fond, des noms de toreros que je n'ai jamais vu en piste mais que j'ai quand même aimé. J'ai vécu de grands moments dans les arènes de Séville, de Bilbao, de Bayonne au travers des récits de mes ailleuls. J'ai vécu une époque par procuration. Et comme j'ai toujours aimé les histoires, ça tombait bien. Papa me récitant les exploits du "nino sabio" Paco Camino", allant même jusqu'à mimer dans la salle à manger l'estocade à la bascule de Jaime Ostos alors que je n'avais que 8 ans. Un grand père admiratif de l'austérité et de la régularité d'un El Viti... sans oublier la plastique de Dominguin. Le Papa Gato fou de joie devant la magie du gitan Rafael de Paula, le "temple" d'Ordonez, me racontant la stupeur collective devant les facéties du Cordobès, son emprise sur la foule et son magnétisme sur les taureaux. "El Cordobès", j'aurais vraiment aimé le voir celui-là. Ca devait être quelque chose! J'aurais connu José Tomas. C'est quand même pas mal. Et pourtant, il en fût un qui bouleversa mon imaginaire d'enfant. Ce fut le grand Paquirri. N'allez pas me demander pourquoi. Je ne l'ai jamais vu en piste. Les récits des uns et des autres sans doute.. Mais dans mon esprit d'enfant, il représentait le torero le plus sportif, le moins vulnérable, un héro auquel tout enfant a envie de ressembler, un Zorro en quelque sorte. Il était particulièrement athlétique, il courrait beaucoup, souvent seul, parfois avec une brebis sur les épaules pour lui tenir compagnie dans les collines. Ce soir, les pieds dans le sable, le cœur qui palpite, la bave au coin de la bouche et la langue qui pend, un peu comme un mauvais Pablo Romero en fin du 3ème tiers... je me demande pendant les dernières foulées de mon parcours comment le grand Paquirri préparait sa saison en mars 78. Le petit enfant que j'étais il y a quelques années, et que je redeviens ce soir, ne l'oublie pas et voulait juste lui rendre un hommage.

1 commentaire:

  1. Je vous remercie pour ce texte emprunt de nostalgie et d'une mesure du temps accordée au rythme du toréo. Oui, Paquirri et Manolete, oui à ces hommes et à ces toros braves. Dans votre texte, je respire le parfum des arènes, puros, beignets et parfums espagnols ( Flor de blason, Varon dandy) quelle chance pour vous les commentaires de vos parents. En 62, ou 63, vu à Barcelone El Viti, Dominguez et plus près de nous, Castella, Morante, Padilla, Tomas... J'oublie un peu les pleurnicheries de notre société, les égoismes, et le lissage de pensée. Le toréo permet à travers la mort célébrée de depasser l'individualisme. Je cesse là mes délires et vous remercie. A un de ces jours peut être près d'une arène, Cordialement, Gérard Roussel, Nevers.

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