De la faena de Jose Tomas à Séville que j'ai eu le bonheur de voir, il y a de cela plusieurs années, et qui lui valut de couper deux oreilles, je ne me souviens vraiment, outre l'impression générale, que du moment où le torero rejoignit à pas lents la barrière, depuis le centre de la piste, pour changer l'épée. Une éternité. Pour moi, Jose Tomas est dans ces trente secondes. C'est l'instant le plus fort que je garde de lui. Pas lents, à peine appuyés sur le sol, regard au sable, muleta traînante, épaules légèrement voûtées. Marche à la fois retenue et audacieuse par sa lenteur, humble et triomphale. Image d'une fragilité indestructible.
En fait, ce que je garde de lui, c'est sa formidable et étonnante présence humaine. Bien plus que l'allonge de son interminable naturelle ou le galbe de sa véronique extrêmement basse. D'autres - très peu, c'est vrai - toréent aussi bien que lui et peut-être parfois mieux. Mais jamais, avec cette présence humaine. Je n'en connais pas.
C'est pour cela que, pour moi, il est unique.
Juli, Castella, Manzanares, Ponce, et quelques autres, sont de grands toreros. Ils peuvent même certains après-midi être plus que cela. Mais il leur manque, en piste, ce supplément, cette matière qui fait "basculer" Jose Tomas .
Je n'ai pas cité Morante. Je l'attends. Comme on attendait Curro. Je ne l'ai encore jamais vu grand. Des détails seulement, mais d'une belle exigence artistique. Je regrette cependant sa régularité un peu besogneuse qui l'empêche d'entrer de plein pied dans le cercle des artistes.
Et puis, j'en ai pas mal vu, les places sont chères et je n'ai pas envie de m'ennuyer joliment sur les gradins. Je le répète: je veux de l'exceptionnel, de l'inédit. Marre de la photocopie, même de luxe. Qu'on me parle un peu de moi, dans tout ça, du pekin assis à 15 € la fesse. Qu'il soit un peu plus homme en sortant qu'en entrant, un peu plus riche en dedans.
Ça ne le fait pas souvent, faut avouer. Mais, quand ça le fait, ça le fait tellement que je continue à courir derrière.
Il paraît qu'il va mieux, qu'il respire seul, qu'il bouge un peu la jambe et plaisante avec les médecins. Encore quelques heures et il sera sorti d'affaire. Je ne le connais que comme torero, mais je serais triste qu'un tel homme disparaisse.
C'est un très joli commentaire, empreint d'un regard d'adolescent, qui évoque la fascination que l'on ressent quand on croise un homme d'exception.
RépondreSupprimerOn dirait qu'il y a des personnes qui sont nées pour faire ce qu'ils font, et qui réinvente totalement leur discipline.
Cette gestuelle naturelle et unique dont tu nous parles, dans l'enceinte de la discipline, mais en dehors du champs d'action, est effectivement la marque des très grands.
J'ai en mémoire la même fascination ressentie pour un certain Michael Jordan. Il ne se déplaçait pas comme les autres, et c'était tout.
Belle analyse de ces moments de grâce que sait nous offrir José Tomas, j'ai ressenti la même émotion, les mêmes frissons à chaque fois que j'ai eu la chance de voir José dans le ruedo !
RépondreSupprimerIl va mieux, il récupére rapidement Dieu merci, et espèrons que cette tragique cogida n'entamera en rien sa volonté de revenir sur le sable.
Connaissant le courage et la détermination du maestro, je n'en doute pas !
Trés bon rétablissement José.
Et comme toi, Papa Gato, j'attends encore Morante de la Puebla que je considére cependant comme "un grand" !!!
Robert Ribe (source facebook)
Tout en partageant totalement ce regard sur la lenteur de José Tomas et sur cet être là, à nul autre pareil, dont parle avec justesse Papa Gato, je me permets d'ajouter un bref commentaire. D'une part JT ce jour là coupa trois oreilles et en sortant par La Porte du Prince obligea le roi d'Espagne lui même à s'incliner pour saluer le maestro. D'autre part El Juli présent aussi ce jour là se mit deux fois "a puerta gayola"... Excusez du peu. C'était à Séville un jour de Pàques.
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