vendredi 15 avril 2011

Parle Moi

Parle moi du soleil de juillet de mes premiers frissons dans les arènes de Lachepaillet.
Parle moi de ce costume bleu ciel que mettait si souvent Paquirri.
Parle moi de Rafael le gitan aux genoux de verre et aux passes de christal perdu sur le sable montois parmi les Rocios.
Parle moi du retour de Cordobes dont on ne porta finalement jamais le deuil; icône légendaire, ridée , vieillissante mais vivante et drôle.
Parle moi d'un orage qui gronde et qui tonne et laisse triste et triomphant Christian le nîmois sous la pluie battante des Landes.
Parle moi de ces nocturnes d'effroi de Tyrosse.
Parle moi des Fraile et de leurs cornes abondantes qui cassent et se fracassent sur le bois des barrières.
Parle moi d'Ojeda chevilles contre cornes , cornes sur chevilles : corps à corps vertical effrayant et attirant.
Parle moi de Curro , de ses fuites éperdues pour un dernier bouquet de romarin desséché promené triste et las dans un callejon bayonnais surchauffé.
Parle moi de ce public hostile à la sortie de Cano défiant de son regard noir la foule vociférante . 
Parle moi de la transe gitane du jeune Aparicio dans les arènes en kit d'une banlieue bordelaise.
Parle moi des vingt mètres qui séparaient César le colombien de ses noirs adversaires chargeant de loin un si vaillant combattant
Parle moi des silences inquiets et passionnés du public de Bayonne.
Parle moi du classicisme lumineux de Joselito les pieds enfoncés dans le sol.
Parle moi de cette faena de Conde danseur flamenco ensorcelé un soir d'été, pour un pas de deux d'éternité!
Parle moi du combat de ce Miura au cou de girafe , à la puissance d'éléphant vaincu par le maître Fundi
Parle moi de l'hallucinant courage de Castella se jouant des cornes et du danger en souriant .
Parle moi d'un toro qui regagne d'un pas tranquille les corrales dont il était sorti vingt minutes plus tôt en terre catalane.
Parle moi du Juli petit prodige devenu grand et immense maestro.
Parle moi de cet homme que l'on prénomme José impavide , immobile qui offre sa vie recueillant
dans les plis de sa cape les charges rudes et noires de ses adversaires.
Parle moi des passes de soie qui arrêtent le temps de Morante artiste sévillan dans la banlieue madrilène au coeur de l'hiver
Parle moi des souvenirs anciens et de ceux de demain qui me donnent encore l'envie de m'asseoir sur le béton des gradins et dis moi, dis moi surtout que jamais , jamais ça ne s'arrêtera!

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