samedi 10 septembre 2011

Tristeza!

Je me souviens d'un homme fier traversant sous la bronca l'arène de Bayonne.
Nous sommes le 15 août 1992, et le torero qui subit sans faiblir les quolibets d'un public en colère a refusé quelques minutes plus tôt d'affronter un toro qu'il soupçonne (à juste titre ou non) d'être affecté d'un défaut de vue.
Stoique sous la mitraille, il est resté impassible accoudé à la barrière, les insultes venant des gradins, les pressions venant du callejon ne l'ont pas fait ciller pendant que les avis sonnaient.
Assumant les conséquences de son geste il traverse d'un pas lent et majestueux le ruedo de l'infâmie, il sait qu'il ne reviendra pas de sitôt, il sait qu'il subira les critiques, il s'en fout il est TORERO.
Dans un dernier geste, sans honte et sans haine, soutenant le regard des derniers spectateurs qui vocifèrent, il lève la tête et assume ce moment compliqué.
Septembre 2011.Je tombe sur une photo d'un vieil homme affaibli dans un fauteuil roulant, cheveux blanchis silouhette amaigrie.
Ce dernier refuse de reconnaître l'évidence et d'assumer ses erreurs qui ont coûté la vie à un jeune homme.Alcool, vitesse excessive et conduite automobile ne font pas bon ménage.
Entre ces deux dates, les épreuves de la vie ont miné de l'intérieur ce fier matador pour le rendre à sa simple condition d'homme confronté à ses propres faiblesses.
Il lui faudra du courage, bien plus sûrement, que celui dont il sut faire preuve pour revenir à la vie et dans l'arène après de gravissimes coups de cornes qui faillirent le tuer.
Jose Ortega Cano vient de commencer la faena la plus compliquée de son existence.
Quoiqu'il ait fait, sous la bronca ou l'ovation, qu'il en ressorte la tête droite et le regard fier en assumant une nouvelle fois ses actes et ses décisions!

2 commentaires:

  1. Cet homme a passé sa vie à tuer des toros. Il vient pour la première fois de tuer, involontairement, un homme. À voir les ravages que cela provoque sur lui-même, son entourage, l'opinion publique, il faut croire qu'il y a une grande différence entre tuer des toros et tuer des hommes. Les anti-taurins devraient s'en persuader et revoir leur échelle de valeurs.

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  2. Qui peut oublier cette tarde d'un 15 août 1992, où le maestro fit de la situation ce que tout héros au sens qu'en donne Baltazar Gracian y Moralès se doit de faire faute de tomber dans le ridicule, qui souvent s'invite dans les ruedos :
    " Que fait donc un homme sage et de réflexion ? Il appelle, pour m'exprimer ainsi, de son penchant au tribunal de sa raison : à la faveur de cette lumière pure, il examine sérieusement son inclination et sa bonne qualité dominante ; et s'il ne confond point l'une avec l'autre. Après cet examen tranquille et sincère, il destine son talent à ce qui lui convient (c'est moi qui souligne), et il tâche d'y plier son penchant. Car le premier, secondé par celui-ci, travaille avec aisance et avec ardeur, et de grands progrès en peu de temps. "
    Je me souviens m'être levé et avoir salué l'homme qui sous les huées passait d'une rive à l'autre.

    Philippe Chauché

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